T’ERRES À TERRE.. Vie d’un pilote de ligne confiné

T’ERRES À TERRE.. Vie d’un pilote de ligne confiné

Ces derniers mois, le tourisme a été mis à rude épreuve comme beaucoup de secteurs. Aujourd’hui je laisse la parole à Cyril, qui te fait part de son expérience de pilote de ligne confiné !

Une présentation s'impose !

Je m’appelle Cyril et je suis pilote de ligne dans une compagnie low cost affiliée à une grande entreprise française de transport aérien… Cela va bientôt faire 20 ans que j’exerce, 15 ans dans la maison mère comme Copilote, puis presque 5 ans comme Commandant de bord dans la filiale. Avant cela, j’ai eu un parcours plutôt atypique: bac, études supérieures inachevées. Puis service militaire (faudra expliquer le concept aux plus jeunes…), vendeur/technicien dans l’informatique, pigiste pour différents éditeurs de presse informatique, le tout en étudiant mon futur métier de manière quasi “autodidacte”.

Le métier de pilote de ligne (et de Personnel Navigant en général) est assez particulier en terme de planning. Horaires décalés, amplitudes qui peuvent aller de 4 heures pour les journées les plus courtes, jusqu’à 13 heures sans repos pour les plus longues (16, voire 17 heures pour les très longs courriers, avec bien évidemment une période de repos fractionné à bord). On travaille généralement un week end sur deux, idem pour les jours fériés, les fêtes de fin d’année… 

L’air d’un confiné

La crise sanitaire a entraîné la fin de toute l’activité aérienne dans ma compagnie, à l’exception au début, de quelques rares vols de rapatriement de compatriotes. En ce qui me concerne, je n’ai pas volé depuis début mars car j’étais en congés une semaine avant la “mise sous cloche”. Au bout de 15 jours, le besoin de se remettre la tête dans les bouquins s’est fait sentir. Un avion de ligne est une machine complexe, qui évolue dans un environnement qui ne l’est pas moins. Les aspects techniques et réglementaires sont en constante évolution, et comme dans beaucoup de métiers exigeants, le manque de pratique a forcément un impact sur l’efficacité. Il faut donc constamment se remettre à niveau. Cela passe par du travail personnel, en révisant régulièrement l’architecture des différents systèmes de l’avion, les procédures… Cela passe aussi par le réseau social ( Workplace ) de notre compagnie, qui nous permet de garder du lien avec nos collègues et notre hiérarchie, d’être informés  des décisions et stratégies mises en place en vue de la reprise des vols. Nos instructeurs publient également des quizz et des situations fictives qui participent à notre maintien de compétences. 

A un niveau plus personnel, ce confinement est évidemment un vrai changement de rythme, l’occasion aussi de recharger les batteries en dormant et mangeant à des horaires fixes. Un peu plus de sport que d’habitude également. Comme la plupart des gens confinés en famille avec un ou des enfants en bas âge, les journées ont quand même été bien remplies. Cela a aussi été l’occasion de m’occuper de la maison, du jardin… J’ai pu aussi consacrer du temps à différents projets informatiques (je développe des applis aéronautiques mobiles et/ou web).

Grounded

L’industrie aéronautique est à l’arrêt quasi complet. Cette illustration du célèbre site Flight Radar reflète particulièrement la situation avant/après. Dans notre maison mère, quelques vols ont été maintenus, notamment les cargos entre la France et la Chine pour fournir du matériel médical à notre système de santé. 

Globalement l’aérien vit la plus grande crise de son histoire. IATA a déjà chiffré les pertes cumulées des compagnies en centaines de milliards de dollars, et estime que des dizaines de millions d’emplois risquent de disparaître.

J’ai la chance d’être salarié d’un grand groupe, considéré à juste titre par l’Etat comme un atout stratégique (indépendance du pays pour le rapatriement des ressortissants français et l’acheminement des masques depuis la Chine). A ce titre, la compagnie va être massivement soutenue financièrement, comme c’est le cas en Allemagne (9 milliards pour le groupe Lufthansa) ou aux Etats-Unis (25 milliards pour les majors US). L’impact social devrait donc être limité, même si l’on parle de Plans de Départ Volontaire pour les personnels au sol, et d’autres systèmes d’incitation pour les personnels navigants proches de la retraite.

Le monde d’après

La reprise s’annonce lente. La plupart des pays ne sachant pas encore exactement quand et comment ils rouvriront leurs frontières, difficile dans ce cas de planifier quoi que ce soit pour cet été, que l’on soit voyagiste ou voyageur. A un horizon plus lointain, le retour à la normale va dépendre de beaucoup de facteurs, dont l’évolution du virus (2eme vague), la disponibilité d’un traitement, d’un vaccin, l’impact de la crise économique… Toujours est-il que les compagnies qui le peuvent évitent de licencier massivement leurs personnels navigants, afin de pouvoir être réactives si l’activité repartait plus vite que prévu. 

Si la crise sanitaire changera certainement les comportements, cela risque d’être dans des proportions relatives. Il y a des habitudes qui ont la vie dure, en témoignent les files d’attente aux “drives” de fast-food. Le confinement a permis le développement du télétravail, ce qui est aussi un excellente chose, mais a aussi montré ses limites. Beaucoup de mes connaissances, surtout celles qui étaient confinées dans un environnement urbain, me disent vouloir sauter dans le premier avion disponible pour partir en vacances au grand air ! Il est clair que les gens continueront de voyager. Dans quelles proportions, à quelle fréquence, à quelles distances ? Je reprendrai humblement les mots d’un Grand Sage :

                              “Difficult to see. Always in motion is the future.” (Master Yoda)

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